Je ne sais pas si vous vous souvenez de cette chanson au refrain entêtant : « Il faut que tu respires » ? De toute part, aujourd’hui, et comme une solution miracle (et un refrain un peu pénible souvent), on pourrait le remplacer par : « Il faut que tu lâches prise ».
Je l’ai entendu moi-même un nombre incalculable de fois formulée avec une véritable bienveillance dans les moments difficiles par mes amies, mon conjoint, une collègue.
Cela ne m’a pas empêché d’avoir envie de répondre quelque chose comme « Dans la situation qui est la mienne aujourd’hui, j’aimerais bien t’y voir. » ou, en version moins politiquement correcte : « Tu vas me lâcher avec ton histoire de lâcher prise ? »… 😡
Mais ça veut dire quoi, au juste, lâcher-prise?
Comme ce qui m’énerve vient souvent toucher quelque chose d’assez juste, je me suis donc interrogée. Au fond, de quoi parle-ton quand on parle de « lâcher prise » ?
Bien que très à la mode ces dernières années, c’est un concept qui date du début du siècle dernier, et c’est William James (qui, outre le fait qu’il était le frère d’Henry James, l’écrivain, est aussi considéré par certains comme le père de la psychologie moderne) qui en parlait en 1911 comme de la capacité à donner du repos au Moi.
J’aime beaucoup cette idée bien qu’elle nécessite une sacrée capacité à prendre du recul sur soi-même car il faut bien se connaître pour savoir comment se permettre du repos et on entrevoit déjà qu’il ne sera pas question ici que de s’autoriser une petite sieste bienvenue (quoi que…).
Carl Jung de son côté, n’explique pas à proprement parler ce que c’est mais se concentre sur ses effets : le lâcher-prise permettrait une meilleure compréhension de soi-même (et, pour ce qui le concerne, une exploration plus profonde de l’inconscient). Voilà qui est très tentant mais je ne me trouve pas beaucoup plus avancée.
Le dictionnaire « Le Larousse » (le Robert boude, et je ne vous parle pas de l’Académie), propose une définition lumineuse : « moyen de libération psychologique consistant à se détacher du désir de maîtrise ».
Une histoire de contrôle…
👉 Il s’agirait donc de se défaire du besoin de contrôle. Parce que contrôler, c’est rassurant et même apaisant – (quoi, moi, « control freak » ?).
Or, comme il peut arriver à une médaille, son revers est peu reluisant.
En l’occurrence, il empêche de vivre le moment présent, impacte négativement notre niveau de stress et nos relations aux autres. Le fait est que contrôler implique de tout contrôler car dès que quelque chose sort du cadre de contrôle… c’est le drame.
Or, évidemment que non, il n’est pas possible de TOUT contrôler. 🙌
Et c’est précisément dans les endroits et les moments de non contrôle que ça dérape : panique et perte de repère, difficulté à réagir ou à agir au mieux.
🧨 Il semble que le contrôle soit le père, ou disons, le frère, de l’anxiété. Des études prouvent que 80% des curistes (oui, les gens qui étaient partis en cure) ayant réussi à abandonner le besoin de maîtrise étaient significativement moins angoissés.
L’ombre portée du lâcher-prise
🎃 Le comment lâcher prise est un véritable sujet en soi – et nous y reviendrons, bien sûr – mais il me semble que la définition du lâcher-prise est incomplète car elle oublie l’ombre portée.
Lâcher prise implique surtout d’avoir déterminé les contours de ce sur quoi on ne lâchera pas !
En effet, il est beaucoup plus facile (disons, significativement moins difficile) de lâcher-prise quand on sait sur quoi on ne lâchera pas ! C’est important pour soi, comme pour ses équipes et c’est même une condition nécessaire de la réussite de tout le process.
🙌 Lâcher prise c’est donc d’abord d’abord savoir sur quoi on ne lâchera pas, c’est-à-dire sur ses propres fondamentaux, ses valeurs et loyautés d’une part, le cœur de ses missions opérationnelles ou stratégiques d’autre part.
Reste à savoir comment on lâche prise. Mais ça, c’est une autre histoire…
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[1] Tanguay (F.), Le lâcher prise, une approche historique, Doctoral dissertation, Ottawa, 2018.